8ème dimanche C

« Un aveugle peut-il guider un autre aveugle? La réponse est non. Ils tomberont tous les deux dans un trou nous dit Jésus. L’homme est devenu aveugle depuis le péché originel qui l’a rendu égocentrique, centré sur soi. Notre ego, notre « Moi je » a un besoin vital de s’affirmer, de n’avoir de comptes à rendre à personne, de triompher des autres, perçus souvent comme des rivaux. Notre ego nous fait avoir un besoin insatiable de prendre, de posséder, de séduire, d’étaler notre savoir, de critiquer (c’est une manière de rabaisser les autres) et la 1ère lecture tirée de Ben Sirac le Sage, nous dit que ce qui sort de notre bouche, est révélateur de l’état d’aveuglement de notre coeur. Cet ego sur-dimensionné, c’est la « poutre » qui est dans notre oeil. Une poutre que nous ne voyons pas.

Jésus est venu dans le monde pour guider les aveugles que nous sommes, car Lui Il voit. Il n’a pas de poutre dans son oeil, il n’a pas d’ego démesuré. Il n’a même pas d’ego du tout. Il est un homme parfait, parce qu’il ne prend rien de sa propre initiative, il reçoit tout du Père par le Saint-Esprit. Il ne fait qu’accueillir la volonté de son Père, et s’unir à elle. C’est le critère de la perfection. La Vierge Marie, elle non plus, n’a pas d’ego. Elle n’est qu’accueil de la volonté de Dieu, elle ne s’approprie rien. Elle est la Femme parfaite. Elle n’a pas de poutre dans son oeil : « Qu’il me soit fait selon ta Parole ». C’est pourquoi Jésus ne refuse rien à sa mère, il sait que sa volonté ne fait qu’un avec la volonté du Père.

Tous les hommes ont besoin de Jésus pour guérir de l’aveuglement, et ils ont besoin de Marie pour recevoir Jésus, la source de toute guérison. A force de fréquenter Jésus en Marie, présent dans notre coeur, notre ego apprend à mourir à tout ce qui l’éloigne de la volonté divine. Et ce jusqu’à notre totale guérison, quand notre être mortel revêtira l’immortalité, comme le dit st Paul aux Corinthiens ; c’est à dire quand le ciel s’ouvrira pour nous, si nous avons consenti jusqu’au bout à suivre le Christ sur ce chemin d’abaissement. C’est cela la conversion. Le projet de Dieu en vaut la peine, il est tellement beau : redonner à l’humanité sa splendeur première, et même une splendeur plus grande que celle des origines ! « Rendons grâce à Dieu, dit st Paul, qui nous donne la victoire par notre Seigneur Jésus-Christ… soyez fermes, soyez inébranlables, prenez une part toujours plus active à l’oeuvre du Seigneur…». 

Quelle est cette part active à prendre à l’oeuvre du Seigneur? Certainement pas de perdre notre temps à faire la morale aux autres, cherchant à « enlever la paille » qui est dans leur oeil. Cela ne veut pas dire que nous n’ayons pas parfois à éclairer nos frères, voir même à les corriger ; mais il faut que la matière soit grave, que le salut de nos frères en soit l’enjeu, et que cela vienne des profondeurs de notre coeur, de notre amour, et non de ce que nous sommes importunés par leurs défauts. Pourquoi le Seigneur parle t-il de paille et non plus de poutre dans l’oeil du frère? Parce que la faute, le péché, est une paille à ses yeux, si on la reconnaît et si l’on s’en repent sincèrement. Elle est « une goutte d’eau, dirait Ste Thérèse, dans le brasier ardent de la miséricorde divine ». Tandis que notre condition de pécheur nous met une poutre devant les yeux, qui nous rend aveugle ; c’est pourquoi nous avons besoin de Celui qui voit pour avancer : Jésus ! Lui seul peut avoir raison de cette poutre. Et comment nous l’enlève t-il ? En nous prenant le bras pour être notre guide, ou plutôt en nous prenant le coeur, car Il habite notre coeur, et tout part du coeur. Il est beaucoup plus urgent de laisser Jésus être les yeux de notre coeur par notre union à Lui dans la prière et le sacrifice, que de vouloir nous-mêmes changer les autres. En gardant cette union à Jésus, nous pouvons être des guides les uns pour les autres jusqu’à notre entrée au ciel. En nous convertissant au Christ, faisant nôtre le « oui » de Marie, et ce, à chaque instant de notre vie ici-bas, nous pouvons devenir des guides pour les autres. Mais le chrétien ne doit jamais se considérer comme un voyant au milieu d’aveugles, ce serait une manière de se regarder supérieur aux autres… le chrétien doit se considérer comme un aveugle au milieu d’autres aveugles, mais un aveugle qui a trouvé l’Ami qui ne le lâchera jamais, même s’il commet des imprudences, Il est son Guide pour toujours. S’il lui fait une confiance « aveugle », il prendra à coup sûr une part active à l’oeuvre du Seigneur, qui veut à travers notre fidélité conduire la multitude au salut.

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