Ne riposte pas au méchant ; mais si l’on te frappe sur la joue droite, présente aussi l’autre ; à celui qui veut prendre ta tunique, laisse-lui aussi ton manteau etc… Des paroles que nous connaissons bien et que nous citons volontiers avec ironie, tellement elles nous paraissent éloignées de nos réalités humaines… Pourtant, Jésus insiste pour que nous aimions nos ennemis, pour que nous prions pour ceux qui nous persécutent, afin d’être vraiment les fils de notre Père qui est aux cieux.
L’homme, de par les capacités naturelles que Dieu lui a donné, est capable de faire du bien autour de lui ; il est capable de grandes et belles choses. Il n’est pas nécessaire d’être chrétien pour cela. Nous connaissons des gens, toute religion confondue, et même des incroyants, dont la vie nous édifie, dont le cœur est rempli de qualités. Jésus est-il venu sur la terre simplement pour nous éduquer sur ce qui est bon ? Non, pour bien plus que cela. Il est venu pour nous sauver ! De quoi ? De l’orgueil, qui nous empêche de nous voir tels que nous sommes en vérité, c’est à dire incapable d’aimer gratuitement comme Dieu, incapable d’aimer ceux qui ne nous aiment pas.
Jésus est venu nous sauver de l’influence de Satan, en nous divinisant. C’est autre chose que d’être un simple indicateur de ce qui est bon ! « Dieu s’est fait homme pour que l’homme devienne Dieu » : Une formule de st Irénée (2ème s) qui dit tout. Non pas qu’il devienne l’égal de Dieu, mais qu’il partage ses attributs divins ; et le plus grand attribut de Dieu, c’est sa miséricorde, c’est à dire sa capacité à aimer ceux qui ne l’aiment pas, à pardonner ceux qui le persécutent, et à prier pour eux. Voilà où Jésus veut nous conduire : à aimer comme Dieu aime, jusqu’à l’amour des ennemis. Comment s’y est-il pris pour cela ? Il a pris notre humanité en toute chose, excepté le péché ; et il a pris sur lui notre péché, pour l’anéantir dans sa mort, afin de nous ressusciter avec lui à la vie éternelle.
Mais cette vie éternelle ne nous est pas imposée, mais proposée ; et nous l’acceptons en recevant son Esprit, qui nous fait devenir « vraiment les fils de son Père qui est aux cieux ». Cela ne se fait pas du jour au lendemain, et c’est pourquoi l’Esprit ne vient pas seulement une fois dans notre vie, au baptême, (le baptême c’est la porte d’entrée) il ne cesse de venir… Il vient par l’imposition des mains du prêtre, à chaque messe, à chaque sacrement que nous recevons, il vient quand sa Parole vivante est prononcée et écoutée, il vient quand nous prions avec le cœur, personnellement ou communautairement ; et Jésus nous dit même qu’Il souffle où il veut, même en dehors de l’Eglise…
Et que fait l’Esprit Saint en nous ? Il change notre cœur, il le transforme pour que nous aimions comme Dieu, en pardonnant à nos persécuteurs, en ne laissant pas la haine nous contaminer. C’est le sens véritable de ces paroles de Jésus que nous ne devons pas recevoir de manière littérale ; d’ailleurs, Jésus qui a été giflé, n’a pas tendu l’autre joue, il a dit : « Si j’ai mal parlé, dis-moi ce que j’ai dit de mal, mais si j’ai bien parlé, pourquoi me frappes-tu ? » Autrement dit, Il répond sans haine, en interpellant la conscience de celui qui le persécute.
Nous sommes faibles et blessés, c’est un fait, mais notre humanité a été assumée par le Christ, et le chrétien devient le sanctuaire de Dieu, par l’Esprit qui habite en lui. En étant habité par Dieu, on peut dire que « tout est à nous, oui, mais nous sommes au Christ et le Christ est à Dieu ». Parce que Dieu est saint, nous serons saints, mais au prix d’un combat de tous les jours et de toute une vie, où nous expérimentons notre pauvreté, notre péché, mais aussi la fidélité de Dieu qui nous donne inlassablement son amour, sa douceur, sa miséricorde quand nous la lui demandons avec persévérance. Le combat ne prendra fin qu’en entrant dans le Royaume. Alors, comptons sur la fidélité du Seigneur, ne nous résignons jamais au mal, et laissons-nous transformer jusqu’à pouvoir aimer ceux qui ne nous aiment pas, en priant pour eux.