Historique du Sanctuaire Notre-Dame de Valcluse
Un lieu saint, un lieu béni
Nous sommes sur le site de Notre-Dame de Valcluse. Un Sanctuaire, c’est à dire un lieu sanctifié par Dieu. Un lieu où Dieu, au fil du temps et de l’histoire, s’y fait tout proche, éveillant des hommes et des femmes à sa Présence mystérieuse. Aujourd’hui on dit volontiers : « c’est un lieu magique »… un langage profane pour dire qu’ici, le coeur est touché, parce qu’il perçoit quelque chose d’un au delà qui le dépasse.
Dieu est présent partout, mais il se choisit des lieux privilégiés pour parler aux hommes : la Terre Sainte où le Christ a vécu et a livré sa vie ; Rome, lieu des martyrs de Pierre et de Paul et de biens d’autres chrétiens ; st Jacques de Compostelle, où est vénéré le corps de l’apôtre Jacques et où convergent tant de pèlerins depuis le Moyen-Âge ; des lieux où de vénérables saints ont vécu, comme sainte Marie-Madeleine à la Sainte Baume, selon la vénérable tradition provençale des Saintes-Maries-de-la-mer ; sans parler de tous ces lieux qui ont bénéficié d’une Visitation de la Mère de Dieu à toutes les époques, la première en date au Puy-en-Velay en 430 qui a fondé le plus grand sanctuaire de la chrétienté médiévale.
Et puis vous avez des lieux comme Valcluse, où il n’y a pas eu d’apparitions, ni de passages de saints – encore que nous avons eu la visite en 1952 de Mgr Roncalli, futur pape st Jean XXIII, quand il était nonce apostolique en France – mais Dieu ne parle pas que dans les sites grandioses, il parle aussi dans les lieux cachés… Valcluse en est un. Il peut passer inaperçu, même pour des gens de la région, tant il est dissimulé par un relief escarpé à la frontière de Pégomas et d’Auribeau, dans un vallon fermé (Valcluse : vallée close) Son atout et son charme est d’être un petit oasis tout proche des villages urbanisés de l’arrière-pays grassois et en même temps protégé du monde et de son agitation. Son eau qui court en cascades, la rivière st Antoine – en amont la source du Vivier – nous rappelle que la vie, comme l’eau, est précieuse, que nous devons la garder, la préserver ; la colline boisée de Clavary nous enveloppe comme un rempart verdoyant contre les agressions de la cité. Notre-Dame de Valcluse est un refuge pour l’âme qui recherche la paix, comme l’est le Coeur de Marie, Coeur si pur et maternel qui nous protège quand nous lui remettons nos vies et ses misères.
A l’Origine: Une chapelle du XIe ou XIIe siècle
On ne peut pas parler de l’histoire de ce lieu sans faire référence à l’étude récente et remarquable de l’historien Gilles Sinicropi publié aux éditions Serre, sous le titre : « Valcluse, la Notre-Dame du Pays de Grasse ». L’auteur est formel quant à l’origine médiévale de ce sanctuaire. Il la fait remonter, sans l’ombre d’un doute, au milieu du XIIe siècle. Ce sont différents documents de l’autorité pontificale devant intervenir en raison de conflits de territoire, qui ont permis d’attester l’existence d’une chapelle « Sainte-Marie de Valcluse » située alors à Pégomas, territoire qui dépendait de l’abbé de Lérins. Un document du pape Anastase IV, daté de 1154, nous apprend que cette chapelle (de taille plus modeste que notre chapelle actuelle) était confiée à l’ordre des Chanoines réguliers de Saint-Augustin.
Le sanctuaire comprenait, outre cette chapelle dédiée à Notre-Dame, deux autres réalités : une grotte humide et sombre où était honoré saint Aigulfe de Lérins, (17ème abbé de l’île en 671. Il restaure avec fermeté la discipline monastique selon la règle de st Benoît ce qui n’est pas du goût de tous les moines… On l’enferme avec d’autres compagnons, et on les livre à des bandits qui les emmènent au nord-est de la Corse où ils sont massacrés en 677) et une petite chapelle dédiée à saint Antoine l’ermite, chapelle très ancienne, délabrée à la fin du XVIIe, et disparue au XVIIIe. Les compte-rendus écrits des visites pastorales des évêques apportent des informations sur les traditions locales qui faisaient venir les habitants vers ces petites chapelles provençales. On y venait en fait, à la fois comme pèlerins, et comme villageois, pour se réjouir en familles à l’occasion de la fête patronale. Une petite salle aménagée à l’entrée de la grotte au début du XIXe a été transformée vers 1960 en petite chapelle pour la dévotion à ste Rita.
Un lieu abandonné au XIVe, XVe et XVIe siècle, transformé et réhabilité au XVIIe
Notre historien évoque un long silence durant trois siècles, ce qui suggère un probable abandon du site, lié aux calamités, aux guerres et aux misères de ces périodes, et donc une chapelle sans doute en mauvais état… Il faut attendre la fin du XVIIe siècle pour qu’il soit à nouveau question de la chapelle de Notre-Dame de Valcluse dans des délibérations du Conseil Général de la ville de Grasse. Nous apprenons qu’elle est administrée par la ville, que ses citoyens l’ont construite et que ses chemins d’accès doivent être restaurés, ceci sur fond de conflit d’influence avec la commune d’Auribeau. Dès le début du XVIIe siècle nous savons par les visites pastorales de l’évêque de Grasse qu’un ermite portant la bure franciscaine y vit. On parle d’un frère François, puis un peu plus tard d’un frère Maximin auquel seront adjoint frère Jean et frère Claude pour assurer une présence de prière et de vigilance sur les lieux. A partir de 1679 il n’y aura plus qu’un moine en solitude, qui logera dans un modeste bâtiment de trois étages avec une grande salle basse, une petite cuisine et deux chambres où l’évêque fera sa retraite. Des moines ermites s’y succèderont jusqu’à la révolution.
Les visites pastorales de l’évêque permettent d’évaluer approximativement la période construction de la nouvelle chapelle. La visite de 1605 fait état de bâtiments de petite dimension et inégalement conservés. En 1666, la chapelle est interdite d’accès, menaçant ruine. La visite de 1679 fait état d’une chapelle latérale et de deux nefs, ce qui laisse supposer un agrandissement de l’édifice et des travaux d’envergure ; la dernière campagne de travaux est couronnée par la dédicace solennelle de l’église, le 8 mai 1724 par Mgr Joseph de Mesgrigny. La nouvelle chapelle aux trois nefs serait l’oeuvre d’un architecte de Grasse nommé Laugier qui en fit les plans et y consacra sa fortune en échange d’une pension viagère que lui concéda l’évêque. (Rousset, Almanach du Var 1831).
La tourmente de la révolution
Cette période qui va de 1789 à 1803, va à la fois bouleverser la vie des croyants et confirmer le grand attachement des populations locales au sanctuaire de Valcluse. On sait qu’au moment où le culte fut suspendu et que fut décrété la suppression des statues considérées comme signes de féodalité et de royauté, « des mains pieuses » ont subtilisé l’antique statue de Notre-Dame de Valcluse située au dessus de la porte d’entrée de la chapelle pour la mettre en lieu sûr. Elle réapparaîtra quelques décennies plus tard, lorsque le culte fut rétabli. Des ex voto de 1803 et de 1817 en témoignent. Durant la révolution, les communes de Grasse et d’Auribeau se disputent à nouveau la légitimité de la propriété des bâtiments désormais « acquis à la nation ». Fait remarquable : pour sauver le sanctuaire du risque de sa dégradation ou de la perte de sa vocation au profit d’intérêts privés, des familles grassoises s’associent, pour être actionnaires du site (excepté l’ermitage cédé à un particulier) dans le seul but d’en sauvegarder la vocation : le culte public des fidèles. Un objectif somme toute similaire à celui de la confrérie qui en avait la gérance avant les événements révolutionnaires. L’acte de vente est prononcé le 25 mars 1793, en la fête de l’Annonciation. Un tournant dans l’histoire du sanctuaire.
Les grands aménagements du XIXème siècle
Avant les aménagements extérieurs de 1820, le paysage alentour était surtout constitué de cyprès séculaires. En 1823 sont plantés des platanes pour agrémenter la place de l’église. Entre 1820 et 1830, le propriétaire de l’ermitage de l’époque, Jacques Augier (plusieurs se sont succédés depuis la révolution) entreprend des travaux importants d’agrandissement ; c’est dans cette période que ce qui reste de la chapelle Ste Antoine est intégré au pan de mur est de l’ermitage agrandi, appelé aujourd’hui prieuré. C’est également l’époque de l’aménagement des moulins à farine et à huile dont certains mécanismes (pressoir et meule) sont encore visibles dans le sous-sol et dans la grande salle à l’entrée du sanctuaire (Clairejoie). En 1847, est construit un second ermitage contre la face nord de l’église (actuellement le magasin) avec le produit des souscriptions recueillies par M l’abbé Dumas, vicaire à la paroisse de Grasse. Structures d’accueil pour les fidèles et logement du gardien. Les actionnaires quant à eux, ont dû supporter le sinistre de l’écroulement du pont d’accès au sanctuaire par le chemin ouest, emporté par les eaux en 1825. Ils le remplacèrent par un pont de structure provisoire. A la fin du siècle la pérennité du lieu est à nouveau menacée.
Le Renouveau du XXème siècle
L’abbé Latil, curé de Grasse, accueille en 1905 des missionnaires pour une mission de trois semaines qui donnera lieu à l’érection d’un calvaire comportant à la droite du Christ en croix, la Vierge Marie, et à sa gauche st Jean. La même année, il dresse un état des lieux alarmant : chapelle inondée, murs lézardés, clef de voûte en passe de tomber… La population se mobilise sous l’impulsion de ce prêtre puis de son successeur Marius Baude. Les actionnaires laissent tout naturellement l’administration du site au curé de Grasse. En 1944 le chanoine Villebenoît rachète l’ermitage, le moulin et divers terrains restés propriété privée depuis la révolution, il cède l’ensemble l’année suivante au diocèse de Nice. C’est lui qui donnera au site sa configuration actuelle. Des travaux d’aménagement et d’embellissement se font sous sa houlette entre 1944 et 1954 pour le confort des groupes et des pèlerins individuels. Il a également à coeur de donner une nouvelle impulsion spirituelle au lieu, en initiant plusieurs jours de festivités autour de la célébration du Couronnement de Notre-Dame de Valcluse qui eût lieu le 16 juillet 1950 présidée par son éminence le Cardinal Roques, archevêque de Rennes. A cette période, sont aménagés la grotte de Lourdes qui épouse intelligemment le relief de la roche, des toilettes extérieures avec eau courante, et diverses installations électriques. Un nouveau pont en béton avec des garde-corps en fer est construit au printemps 1950, et un second plus petit dans le sous-bois. Des façades sont rénovées comme celle du prieuré qui met à jour en 1951 les vestiges de l’ancienne chapelle St Antoine. En 1954 est bâtie la galerie contre le mur du moulin qui abritera la Vierge au fuseau, « Mère Admirable ». Après l’ère glorieuse du chanoine Villebenoît, suit une période de désaffection du site, liée probablement au désintérêt marial de la période post-conciliaire dans les années 1960-1970, et il faudra attendre la création de l’Association des Amis de Valcluse fondée par l’archiprêtre de Grasse, Léon Répetto, sous l’impulsion de son premier président Robert Bartolozzi, en 1979, pour que de nouveaux travaux de restauration soient engagés avec l’aide de nombreux bénévoles et des scouts d’Alsace, venus durant plusieurs camps d’été. Un travail considérable est entrepris sur cinq ans avec plus de trente chantiers dont la révision complète de la charpente, le ravalement extérieur de la chapelle et de divers bâtiments, la création d’un magasin, d’un musée d’ex-votos, d’une salle d’accueil etc.… Edouard Roustan, autre pionnier des Amis de Valcluse, et homme de grande piété, aura à coeur le renouveau spirituel du lieu, aidé des Soeurs de Saint-Joseph du Puy, à qui sont confiés le fonctionnement et la gestion du sanctuaire en novembre 1987.
Un recteur issu de la Communauté des Béatitudes
Le renouveau spirituel du sanctuaire prend un nouveau tournant avec la venue le 21 août 1995 de la Communauté des Béatitudes, communauté issue du Renouveau charismatique fondée en 1975. Le père Daniel Lacouture, membre de la communauté, est nommé recteur, suite au départ à Nice du père Joly, dernier curé-recteur. En septembre 2013 est nommé pour lui succéder le père Emmanuel-Marie Alexandre. La Communauté, par le nombre de ses membres (14 en 2018), et par sa relative jeunesse (55 ans en moyenne) apporte à ce lieu une présence vivante et fervente de prière, d’accueil et de formation spirituelle. Nombreux se fidélisent à la messe et au chapelet quotidiens, d’autres s’arrêtent aux offices de Laudes ou de Vêpres ; d’autres préfèrent le silence de l’adoration du Saint Sacrement. Et puis il y a les pèlerins anonymes qui viennent brûler un cierge au Sacré-Coeur, à Notre-Dame de Lourdes, à Ste Rita, à Ste Marie-Madeleine, ou à Ste Thérèse de l’Enfant Jésus, ou qui profitent simplement du beau cadre, entretenu par la Communauté, avec l’aide des Amis de Valcluse. L’association a moins d’adhérents qu’hier, mais leur générosité, aidée des municipalités de Grasse, d’Auribeau et du Cannet, permettent de continuer d’entretenir et d’embellir le site.
Quelques repères chronologiques :
– 1154 : Première mention de l’église Sainte Marie de Valcluse dont les archives témoignent que le lieu est affilié à l’ordre des Chanoines réguliers de Saint Augustin
– 8 mai 1724 : Dédicace de la chapelle Notre-Dame de Valcluse
– 1832 : construction d’un moulin à huile et d’un moulin à farine par Jacques Augier, propriétaire de l’ermitage.
– 1847 : construction d’un second ermitage sur la façade nord de la chapelle (actuel magasin)
– 1905 : érection du Calvaire
– 1944-1953 : Période de restauration par le chanoine Villebenoît : chapelle, construction de la grotte de Lourdes, de la galerie sur la place (1954)
– 16 juillet 1950 : Couronnement de la statue de Notre-Dame de Valcluse par son Eminence le Cardinal Roques, archevêque de Rennes, et par Mgr Rémond, évêque de Nice répondant à un vœu du Chanoine Villebenoît
– 1952 : Visite de Mgr Angello Roncalli, Patriarche de Venise, nonce apostolique de Paris, futur pape Jean XXIII
– 1960 : Aménagement de la chapelle Ste Rita
– 1979 : Création de l’Association « les Amis de Valcluse » par le chanoine Léon Repetto
– 1980-1985 : Importants travaux de restauration du site sous l’impulsion de Mr Robert Bartolozzi, 1er président de l’association
– 1987 : Arrivée des sœurs de St Joseph du Puy
– 1995 : Arrivée de la Communauté des Béatitudes
- 2014 : Restauration de l’autel avec pierre d’autel, reliques de la Sainte Croix, et pose du bas relief en bois de noyer représentant la Ste Trinité (d’après Roublev) sculpté par l’artiste hongroise Eva Kis ; restauration de la statue Notre-Dame de Valcluse (1859) ; restauration du Calvaire de 1905 ; restauration de la chapelle Ste Rita; restauration de l’abside de l’église ; création d’une grotte à ste Marie-Madeleine
- 2015 : Plantation d’arbres sur le parking supérieur (1 tilleul des Amériques, 1 liquidanbar, 3 bouleaux ; 2 saules tortueux ; 1 érable champêtre ; 1 érable de Montpellier ; création du jardin blanc et du jardin de Ste Faustine ; construction d’un oratoire à Ste Thérèse de l’Enfant-Jésus
- 2016 : Plantation d’arbres sur le parking supérieur (1 Gingo biloba ; 1 micocoulier ; 1 bouleau ) Création d’un massif (parking supérieur) Remplacement de la statue Notre-Dame de Lourdes en plâtre de 1980 ; Eclairage des grottes extérieures
- 2017 : Restauration des berges et construction d’une nouvelle passerelle métallique ; Pose d’une nouvelle signalétique extérieure ; Restauration des bancs du parvis ; restauration de la Vierge et l’Enfant du parvis ; restauration des toilettes publiques ; installation d’un nouvel éclairage dans l’église
- 2018 : Restauration des bancs en lattes fines ; plantation d’un chêne rouge, d’un liquidanbar (parking) et d’un chêne des marais près de la nouvelle passerelle