« Ne restons pas endormis » nous dit st Paul dans la deuxième lecture. Alors un des devoirs que nous avons c’est de nous réveiller et de réveiller ceux qui dorment à nos côtés ; ce n’est pas le moment de dormir, le Royaume est au milieu de nous et la Parole de Dieu est un des lieux où il se manifeste. En effet, à travers les textes de ce jour, Dieu nous parle. Son intention n’est pas de nous faire un cours d’économie encore moins un cours sur la finance ; il veut simplement nous introduire dans l’essentiel de notre foi qui nous appelle à recevoir et à donner. Pour cela, il passe par une parabole ; celle qu’on nomme traditionnellement la parabole des talents qui arrive, dans l’évangile de Matthieu, juste après celle des dix vierges.
En lisant cet évangile, la question qui m’est venue à l’esprit est celle de savoir si Dieu n’était pas quelque part injuste ? N’a-t-il pas d’affection ou encore n’est-il pas généreux envers les uns tandis qu’il lèse les autres ? De manière hâtive, on peut répondre par l’affirmative. Mais lorsqu’on creuse un peu plus, on réalise que le Seigneur nous manifeste la souveraineté qu’il a sur son bien ; Lui dont l’Esprit souffle où il veut, quand il veut et comme il veut, peut donner à l’un cinq talents, à un autre deux et à un autre encore, il ne donne qu’un seul. Personne ici n’est lésé, à chacun, il donne selon ses capacités. Le troisième serviteur peut, apparemment, se sentir léser. Et tenez-vous tranquille le Seigneur lui donne un talent, et un talent, à l’époque de Jésus, avait une telle valeur qu’il correspondait à 6000 deniers, soit le salaire d’une vingtaine d’année de travail. Il est lui aussi un béni de Dieu.
En effet, le Seigneur ne lèse aucun de ses fils ; nous avons tous reçu quelque chose de lui ; et je dirai même avec saint Paul « Qu’avons-nous que nous n’ayons reçu ? » 1co 4, 7. Et quand Dieu donne, il ne fait pas dans la demi-mesure, il multiplie et multiplie encore. Et ce qu’il nous donne n’a rien à voir avec la question matérielle ; Dieu nous donne sa propre vie ; voilà le capital qu’il donne à ses serviteurs de fils que nous sommes. C’est le bien suprême que Dieu fait aux hommes et aux femmes pour qu’ils soient sauvés. Et le lieu par excellence où cette vie nous est offerte aujourd’hui c’est l’Eucharistie, lieu où Dieu agrée le don de son Fils ; dans l’Eucharistie, nous participons à un sacrifice non sanglant mais vrai c’est-à-dire visible et efficace où l’amour de Dieu nous est réellement donné comme un capital à fructifier.
Et si Dieu se donne à nous, c’est pour que nous puissions porter du fruit ; et le premier fruit à porter : c’est notre propre conversion pour devenir ou redevenir tout simplement chrétien par la transformation de nos cœurs de pierre en cœurs de chair. C’est un mouvement glorieux que nous aimons à contempler dans la conversion de nos frères musulmans où nous voyons des hommes et des femmes saisis par l’amour et complètement retournés comme des saucisses et qui veulent crier et communiquer au monde cet amour ; alors que nous qui baignons dans ces choses depuis l’enfance, on est tellement habitué qu’on peut parfois devenir insensible à l’œuvre de la grâce.
Frères et sœurs, l’amour de Dieu se livre à nous non pas pour faire de nous des hommes et des femmes quelconques en ce monde mais de véritables acteurs, des hommes et des femmes qui donnent le ton par la qualité de leur vie, la qualité de leur témoignage. Pour qu’au soir de la vie, nous soyons de ceux à qui le Seigneur dira : «Très bien serviteur bon et fidèle, tu as été fidèle pour peu de choses, je t’en confierai beaucoup ; entre dans la joie de ton Maître »
Je termine par cette parole forte de Mgr Claude Dagens qui m’a rejoint et que je vous partage simplement : « Je sais les actes […] de générosité dont vous êtes capables. Cela ne fait pas de bruit, mais fait vivre le corps du Christ. Et c’est pourquoi je vous adresse cet appel : Réveillez en vous ce que Dieu vous donne ! Ne le laissez pas en friche ! Déployez ces talents que vous avez reçus ! Pas pour redorer le blason catholique mais pour que nous formions un peuple davantage fraternel, heureux de participer au travail ininterrompu [de la grâce dans le monde]. »[i]
Frères et soeurs, ce dimanche, l’Amour vient à notre rencontre. Pour cela, prions la Vierge Marie, Notre Dame de Valcluse, pour qu’elle nous aide à nous faire capacité pour pouvoir accueillir ce Dieu qui veut se faire torrent pour nous.
O Marie conçue sans péché, prie pour nous.
Fr Pierre de la Croix
[i] « Je sais les actes de patience, de générosité, de don dont vous êtes capables. Cela ne fait pas de bruit, mais cela fait vivre le Corps du Christ. Et c’est pourquoi j’ose vous adresser un appel : réveillez en vous ce que Dieu vous donne ! Ne le laissez pas en friche ! Déployez ces talents que vous avez reçus ! Pas pour redorer le blason catholique, mais pour que nous formions davantage un peuple fraternel, heureux de participer au travail ininterrompu de l’initiation chrétienne ! » Mgr Claude Dagens, Evêque d’Angoulême lors de l’ouverture de l’année pastorale 2011.