Pour les gens qui suis-je ? demande Jésus. Les réponses sont toutes inexactes, preuve qu’il ne faut pas se fier au quand dira t-on, aux bruits de couloirs. Si l’on veut se faire une appréciation juste sur quelqu’un, il faut le suivre de près, ou interroger les proches, les amis, ceux qui le fréquentent : « Et vous que dites-vous ? » La juste réponse est donnée par l’ami Pierre : Tu es le Christ (c’est à dire le Messie). Quand on a quelque chose contre quelqu’un, notre antipathie fausse toujours notre jugement. Il faut alors apprendre à mettre une garde à notre bouche pour ne pas tomber dans la médisance. Ici, Pierre dit la vérité, à laquelle Jésus acquiesce par son silence ; pourtant, Il les invite à se taire ; pourquoi cela? Parce qu’ils ne sont pas encore mûrs pour témoigner de Lui avec fécondité c’est à dire dans l’humilité, la douceur et la sérénité. Savez-vous quand le chrétien évangélise avec le plus d’efficacité ? quand il est sur la croix, c’est à dire dépouillé de sa toute puissance, et qu’il continue d’aimer le Seigneur et le prochain, même celui qui le persécute. Le pontificat de Jean-Paul II en est une belle illustration. C’est dans ses vieux jours qu’il a conquis le plus de coeurs.
Être témoin de la vérité, ne signifie pas qu’il faille beaucoup parler ; il y a l’heure pour dire la vérité. On peut se disqualifier par excès de zèle, en exaspérant nos proches, (notre conjoint, nos enfants…) de nos conseils spirituels, alors que leurs cœurs sont fermés ; j’aime cette parole de Mère Teresa : « l’important, ce n’est pas ce que nous disons, mais ce que Dieu nous dit, et ce qu’il dit à travers nous », c’est à dire à travers notre exemple de douceur et d’humilité. Combien de fois nous péchons par manque de patience… La patience est une vertu à demander, pour nous préserver de ces maladresses qui finalement alourdissent nos croix. La croix est incontournable, mais notre orgueil l’alourdit.
Elle est inévitable, Jésus le dit : « Il faut que le Fils de l’homme souffre beaucoup, qu’il soit rejeté, qu’il soit tué, et que trois jours après il ressuscite. » Et le disciple n’est pas au dessus du Maître : « Si quelqu’un veut marcher derrière moi, qu’il renonce à lui-même, qu’il prenne sa croix et qu’il me suive. » La croix s’oppose à la sagesse du monde. Et je vous disais que les apôtres n’étaient pas encore mûrs pour évangéliser avec fécondité, la preuve : Pierre tombe dans le piège de l’esprit du monde qui ne tolère pas la croix, qui n’y voit qu’un scandale. Nous chrétiens, nous savons que notre œuvre consiste à aimer, mais dans un monde blessé et assujetti aux puissances du mal, l’amour véritable prend inévitablement la forme de la croix. La croix qui vérifie la qualité de notre foi. La foi sans les œuvres est morte nous dit l’apôtre Jacques. Que devient la foi sans l’œuvre de la croix ? c’est à dire sans l’épreuve qui est assumée dans la prière, dans l’union au Christ. Sans avoir à la rechercher pour elle-même, nous savons que lorsqu’elle se présente à nous, le fait de l’accepter, nous fait grandir et peut-on être proche de ceux qui souffrent, quand l’on n’a pas souffert soi-même ? A l’inverse, une vie « dans le coton », trop facile, sans épreuve, sans renoncement, rétrécit le cœur et nous rend frileux et égoïste.
« La fermeté chrétienne, dit st Augustin, ne consiste pas seulement à faire ce qui est bon, elle consiste aussi à supporter ce qui est mauvais » C’est à notre portée si nous permettons au Seigneur, comme nous le suggère Isaïe, de « venir à notre secours » ; c’est le rôle de la prière et des sacrements. Nous sommes alors consolé par lui, et ainsi « nous ne sommes plus atteint par les outrages ». Si au contraire nous écoutons notre Moi blessé, nous prenons nos distances avec le Christ et n’étant pas consolé, nous endurcissons notre cœur en le fermant à notre frère ou à notre sœur.